Lettre à mon cousin


Bujumbura, le 2 Aout 2007

Salut cousin,
Je viens aux nouvelles. Tu m'écris si peu... Pour ne pas parler du reste de la famille. Le seul qui m'écrit régulièrement, c'est mon père... Mais rassure-toi, je ne t’écris pas pour me lamenter.
Malgré une certaine solitude, "certaine", car on est difficilement seuls ici au Burundi, je me porte très bien. Ah « la solitude »… ce terme masque une certaine réalité ambiguë. Que tu te promènes au marché, dans la rue ou au bord du lac, tu es rarement seul, du moins physiquement seul. Surtout lorsque tu es un muzungu (blanc), et bien plus encore lorsque tu es un muzungu qui aime sortir et rencontrer du monde. Ici, les gens te dévisagent, ils te questionnent, t’interpellent… Ca fait partie de la culture : A l’image des abeilles qui communiquent toutes entre elles de façon à ce qu’il soit clair pour toutes oú trouver les fleurs à butiner afin de produire le miel, et contribuer au bien être de l'essaim, le Burundais n’économisera point de mots pour aborder cette fleur porteuse de pollen qu’est le muzungu.
En réalité, tes codes culturels et les valeurs que tu as reçues ne sont pas les mêmes, et cela fait de toi un poisson immergé dans une mer qui n’est pas la tienne. Cependant, lorsque tu appends à connaître les eaux dans lesquelles tu évolues, tu t’adaptes et finis par te sentir moins seul. Lorsque l’abeille vient butiner à toi, lorsque le cheval vient boire à ta source, tu comprends et tu souris …. Tu ne peux et ne doit empêcher aux moineaux de venir picorer quelques miettes et cristaux de sucre à ta table… Mon cristal de sucre à moi, c’est l’humour… Lorsqu’on vient me demander de l’argent, j’offre à certains un miroir de la situation. Je les imite. Ca les fait rire, et lorsqu’ils rigolent, je rigole aussi… et nous rions tous ensemble… Le miroir, c’est du théâtre et c’est un truc qui marche…
Comme j’aime rire, et comme j’aime aussi la solitude, et bien je me sent relativement bien ici au Burundi…
Je continue à nager tous les jours à midi et à jouer au foot 1 à 2 fois par semaine. Alors sache que dès mon retour il te faudra m’inviter à jouer un match avec ton équipe.
Comme je te l’ai déjà dit, je ne compte pas renouveler mon contrat. Celui-ci prendra fin en décembre, date à laquelle je prévois de revenir. J’ai décidé de revenir par voie terrestre en traversant une partie de l’Afrique jusqu’en Egypte. C’est un voyage à faire une foi dans sa vie…
Cousin, je sais que tu as beaucoup de travail et qet que tes enfants t'autorisent à peu de liberté, mais donnes quand même de tes nouvelles. Comme dit le proverbe, « ce que tu écris est ce qui te ressemble le mieux», alors écris cousin… sinon comment savoir à quoi tu ressemble ?
Um abraco,

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